6, de Dakar à Saint-louis, la route au zénith, droite et monotone

Rollier d'Abyssinie en bord de route du nord sénégalais... / Photo par Frédéric Bacuez

* N2, Dakar/Saint-Louis-du-Sénégal -


Parcourir les 270 kilomètres qui relient la péninsule dakaroise à la cité deltaïque de Saint-Louis est une épreuve, pour ceux qui n'ont pas leur propre véhicule. Les transports au Sénégal sont parmi les plus archaïques de la région - les raisons et les causes de cette situation seraient ici hors propos. Utiliser les moyens locaux de déplacement met toujours les corps et les esprits sens dessus dessous. Pour s'épargner l'infâme calvaire des taxis 7 places au fond d'une antédiluvienne familiale Peugeot, la tête dans le plafond crade, derrière des rideaux noirs gorgés de poussière, cette fois-ci on a payé pour s'offrir un chauffeur particulier à bord d'un minibus made in Japan ... On garde toujours, cependant, la sensation qu'aller vers l'ancienne capitale de l'AOF, c'est partir au bout du monde ! On circule à l'heure du cagnard post-mousson; le véhicule va l'amble (aujourd'hui) ou trop vite (d'autres fois); il faut toujours surveiller du coin de l’œil le chauffeur afin de s'assurer qu'il ne finisse pas par s'endormir au volant, ramolli comme les passagers par la chaleur anesthésiante qui invite à la somnolence, sur cette route droite et monotone des confins sahéliens... Comme partout en Afrique, 'on' s'arrête dès que l'occasion se présente, ici pour une pastèque, là pour quelques mandarines, pour avaler un tiep huileux dans une gargote lumineuse comme une taverne, et pour acheter régulièrement un sachet d'eau qui, vidé, est aussitôt jeté par la portière, à la nature. Sans oublier les points de gabelle policière, 1000 francs CFA ici, 3000 francs CFA là, directement dans la poche, sans reçu: le changement, ici aussi, c'est pas (pour) maintenant !...


Quelques semaines après l'ultime pluie, la route du nord traverse des campagnes où le vert de l'hivernage est gagné par le jaune de l'assèchement saisonnier. Ce jour, le vent d'harmattan souffle en bourrasques. Sa chaleur sèche comme le chergui aura tôt fait d'assoiffer les plaines. Pour l'heure, il ne charrie pas encore le sable qu'il arrachera bientôt aux steppes sahéliennes remises à nu quand les herbages auront été moissonnés, dévorés par les animaux domestiques, piétinés, brûlés, désagrégés. L'oseille de Guinée (roselle, hibiscus sabdariffa) est en fleurs rouges, les premières fanes et des tas d'arachides ponctuent des sols à bout de souffle, de plus en plus sablonneux au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans le nord, surtout après Mekhe. Partout, les graminées racornies font des ondulations dorées dans le vent; le feuillage des baobabs (adansonia digitata) jaunit sur le versant sud/sud-est des vénérables troncs tandis que les kades (faidherbia albida, kadd en wolof) n'ont pas encore, eux, recouvré leurs atours gris-vert de saison sèche: ces acacias sont les seuls arbres des latitudes pré-arides du Sahel à perdre leurs feuilles en saison des pluies et à les retrouver dès la fin de la mousson  - c'est ce qu'on appelle la phénologie inversée.

La veuve à collier d'or, encore à la parade

Avec le repli du Front Intertropical (FIT) vers le Golfe de Guinée, les oiseaux de la migration intrafricaine ont déjà quitté les berges du Sénégal pour regagner les savanes et les forêts du sud: aucun vol papillonnant des calaos à bec noir (tockus nasutus) ni de coucou didric (chrysococcyx caprius) plaintif en retraite dans le ciel sahélien. Après les pluies, la profusion d'insectes ailés pousse paradoxalement les oiseaux insectivores à moins de prudence qu'en période de disette: sur le bitume, près d'une dizaine de rolliers d'Abyssinie (coracias abyssinicus, abyssinian roller, cf. photo en haut de notule) ont été heurtés et écrasés par les voitures - probablement des juvéniles inexpérimentés. Leurs plumes bleues font des taches d'azur sur le goudron abrasé. Bizarrement, hormis les nuées de milans (milvus sp.) et quelques vautours charognards (necrosyrtes monachus) qui planent dans le ciel dakarois comme des cerf-volants, point de nécrophages en brousse alors qu'ils sont d'habitude les seuls sujets d'intérêt ornithologique du parcours: dans le département de Louga, pas moins de 5 espèces de vautours*1 sont parfois réunies autour des cadavres d'ânes, de vaches ou de chevaux fréquemment percutés par les véhicules*2. Ce jour, le seul spectacle, moins fréquent ici qu'au Burkina Faso ou au Niger, c'est à Kel Guèye celui d'une veuve à collier d'or (vidua orientalis, Sahel paradise whydah) encore en plumage nuptial: toujours amusant de revoir ce petit oiseau déséquilibré par son interminable queue et volant de guingois, la tête bien plus haute que le ventre, comme retenu au sol par ses deux rectrices de 25 centimètres !

*1 Vautour charognard (necrosyrtes monachus) / Vautour africain (gyps africanus) / Vautour de Rüppell (gyps rueppellii) / Vautour oricou (torgos tracheliotus) / Vautour fauve (gyps fulvus) / 
*2 Voir sur OrnithondarLa route tue aussi les animaux

Veuve à collier d'or, mâle nuptial, Sénégal
/ Photo par Frédéric Vaidie

Avec Eddy Graëff
Vu (de la voiture):

  • Cormoran africain (phalacrocorax africanus, long-tailed cormorant) [banlieues de Dakar]  
  • Héron garde-boeufs (bubulcus ibis, cattle egret)  
  • Vautour charognard (necrosyrtes monachus), une dizaine à Dakar et banlieues + 1 ind. 'en brousse' 
  • Milan parasite (milvus parasitus, yellow-billed kite) [métropole dakaroise] 
  • Milan noir (milvus migrans, black kite) [y compris métropole dakaroise] 
  • Échasse blanche (himantopus himantopus, black-winged stilt), dizaines [Khor]  
  • Vanneau éperonné (vanellus spinosus, spur-winged lapwing
  • Limicoles indéterminés (waders sp.) [delta du fleuve Sénégal] 
  • Chevalier guignette (actitis hypoleucos, common sandpiper) [corniche de Khor, Saint-Louis] 
  • Chevalier aboyeur (tringa nebularia, common greenshank), 1 ind. [corniche de Khor, Saint-Louis] 
  • Laridés indéterminés [Saint-Louis] 
  • Tourterelle masquée (onea capensis, Namaqua dove)  
  • Tourterelle maillée (streptopelia senegalensis, laughing dove
  • Tourterelle vineuse (streptopelia vinacea, vinaceous dove)  
  • Pigeon roussard (de Guinée, columba guinea, specled dove
  • Tourterelle à collier (streptopelia semitorquata, red-eyed dove
  • Perruche à collier (psittacula krameri, rose-ringed parakeet
  • Touraco gris (crinifer piscator, western grey plantain-eater)  
  • Martinet des maisons (apus affinis ssp. aerobates, little swift)  
  • Coliou huppé (à nuque bleue, urocolius macrourus, blue-naped mousebird
  • Rollier d'Abyssinie (coracias abyssinicus, abyssinian roller
  • Calao à bec rouge (tockus kempi, western red-billed hornbill
  • Moinelette à oreillons blancs (eremopterix leucotis ssp. melanocephalus, chestnut-backed sparrow lark
  • Bergeronnette grise (motacilla alba, white wagtail
  • Agrobate roux (cercotrichas galactotes ssp. minor, african rufous scrub robin), 2 ind. en vol 
  • Corbeau pie (corvus albus, pied crow)  
  • Choucador à oreillons bleus (lamprotornis chalybaeus ssp. chalybaeus, greater blue-eared glossy starling)  
  • Choucador à longue queue (lamprotornis caudatus, long-tailed glossy starling
  • Choucador à ventre roux (lamprotornis pulcher, chestnut-bellied starling) [nord, à partir de Kébémer]  
  • Moineau domestique (passer domesticus, house sparrow) [Thiès]  
  • Alecto à bec blanc (bubalornis albirostris, white-billed buffalo weaver)  
  • Tisserin vitellin (ploceus vitellinus, vitelline weaver
  • Tisserin gendarme (ploceus cucullatus ssp. cucullatus, village weaver)  
  • Travailleur à bec rouge (quelea quelea, red-billed quelea
  • Veuve à collier d'or (vidua orientalis, Sahel paradise whydah), 1 mâle nuptial en vol [région de Louga] 

AUTRES:

  • Écureuil terrestre du Sénégal (euxerus erythropus, striped ground squirrel), 1 ind. traversant la route 
  • Varan des savanes (varanus exanthematicus, savannah monitor), 1 ind. traversant la route  

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