10, le grand bond des périmètres rizicoles: cuvette de Débi et mare de Ross-Béthio

2015 04 10 14h50. Cuvette rizicole de Débi, pygargue vocifère et grenouille occipitale dans les serres. / © Photo par Frédéric Bacuez

* De la cuvette de Tiguet-Débi-Diadiam II au canal du Crocodile, au seuil de la Goulothie -

APREM'-
En véhicule 4x4, puis à pied.
Avec Alix & Daniel Mignot, et Moïse Guiré.
Temps: clément jusqu'au début de l'après-midi quand le vent du nord imperceptiblement tourne au nord-est... Ensuite, immanquablement, l'harmattan balaye et soulève ses tonnages de sables que rien n'arrête dès lors que tapis herbacés et boisements fixateurs ont disparu dans de larges parties du bas-delta. L'illusion chlorophylle du riz juvénile qui fait table rase du passé, de la mémoire et de 'l'inutile' ne fera pas long feu - on prend rendez-vous ?


Aux confins nord-ouest du parc national du Djoudj (PNOD), la cuvette dite de Débi est une enclave fermée à l'ouest et au nord par la boucle du fleuve Sénégal, au nord-est par le canal du Crocodile, vers l'est à 10 kilomètres par le marigot de Tieugheul, vers le sud à 4 kilomètres par le marigot de Khoyoye - ces trois dernières limites formant une zone tampon pour le sanctuaire naturel "des oiseaux". Depuis 1964, avec l'érection d'une digue de ceinture fluviale, puis 1986, avec la construction du barrage de Diama, en aval du même fleuve, la cuvette n'est plus soumise aux inondations de la crue saisonnière, laquelle noyait la zone et l'enrichissait de son limon d'octobre à décembre (en saison dite de lolli). L'un des trois villages agricoles d'aujourd'hui ne s'appelle pas Tiguet par hasard: 'tien-guett', de l'arabe, signifie îlot, un lieu cerné par les eaux !

La création du parc national du Djoudj en 1971, légèrement agrandi en 1975 pour atteindre sa superficie actuelle de 16 000 hectares a été faite a minima par un Etat soucieux de ne pas se mettre à dos les populations riveraines du sanctuaire; jusqu'au décret instituant la réserve naturelle, celles-ci utilisaient aussi l'entité, surtout en période de soudure ou de disettes, pour récolter gousses d'acacias, nympheas et sporobulus, pêcher ou faire paître le bétail. Au coeur de l'entité, à Gainthe, on peut encore voir les gravats d'un village qui existait là, saisonnièrement, en fonction des aléas de l'époque (inondations et rezzous). Le poste forestier abandonné qui s'écroule sur la berge du marécage avait été construit expressément pour cela: empêcher le retour des usagers traditionnels du périmètre et, accessoirement, surveiller les quelques gazelles réintroduites in situ et dont on se demande si celles-ci n'ont pas périclité aussi...
Par lâcheté, en se disant que ça irait, et en oubliant que la démographie humaine ne se contenterait pas d'un statu quo compromis, la cuvette de Débi ne fut pas intégrée au parc national alors qu'un unique hameau, en l'occurrence Débi, était installé dans la dépression inondable, dans des conditions précaires, seulement depuis 1965... Certes, l'origine de la communauté remontait au XVIe siècle mais on ne connaissait pas de sédentarisation durable dudit village, qui avait toujours vécu des 'richesses' et des vicissitudes du Djoudj (au rythme des rezzous maures, ou, par exemple, de la grande sécheresse et des famines de 1939-1945...). Son enracinement dans la cuvette actuelle fut suivi, en 1976, par l'installation étatique du colonat de Tiguet, à 500 m au sud de Débi, puis d'un hameau agricole, Diadiam II, à l'extrémité nord-est de la dépression. C'en était fini des perspectives d'un ensemble écologique protégé et cohérent allant de la courbe du fleuve aux berges du Gorom, au sud-est de la zone.

  • En 1951-1952, c'est un ingénieur français, un certain Dubois, qui tente les premiers implants rizicoles dans la cuvette de Débi. Dès 1964, les premiers casiers apparaissent, avec, ô miracle, des récoltes prometteuses en 1966 et 1967, hélas bientôt ramenées à de cruelles réalités 'naturelles' lors de la grande sécheresse de 1970-1974... 
  • En 1971, les apprentis riziculteurs se retournent donc vers leur eldorado de toujours: le Djoudj - question de survie ! Nouveau hasard du destin, c'est l'année de création du parc national - sur pression des scientifiques et des ornithologues très en pointe sur ce petit site représentatif de biodiversité non seulement sahélienne mais aussi des oiseaux migrateurs du Paléarctique occidental (et de l'Afrotropical, on l'oublie trop souvent)... C'est alors un Français, encore, un certain Dupuy, ex légionnaire propulsé colonel, bientôt nommé par le président Léopold Sédar Senghor à la tête du parc national du Niokolo Koba (1967-1973) puis de la Direction des parcs et réserves du Sénégal (1973-1987), qui popularise auprès de l'état sénégalais l'idée de créer un havre pour les oiseaux autour du marigot du Djoudj. Idée défendue depuis la fin des années '50 par des ornithologues aussi reconnus que les de Naurois ou Gérard et Marie-Yvonne Morel (Lire ICI). En cette année-là de grandes manoeuvres écologiques, les autochtones qui veulent réintégrer leurs anciennes possessions - du coté de Ndouth et de Gainthe- au coeur du tout nouveau 'sanctuaire naturel' rencontrent un obstacle de taille: la force publique, en armes et uniformes camouflés... Le conflit avec les nouveaux exploitants du patrimoine dégénèrent - les accrochages répétés et sept incarcérations ponctuent l'année. 
  • En 1976, l'Etat sénégalais, jamais à cours de contradictions (comme souvent en Francophonie), installe le colonat de Tiguet à quelques centaines de mètres au sud de Débi. Afin de sédentariser et 'occuper' les colons, de gré ou de force, Dakar entend (déjà...) généraliser la culture du riz à l'ensemble de la cuvette hors du parc national; hélas, une fois encore, les aménagements enclenchés, un peu à tort et à travers, empêchent toute production... de riz de 1976 à 1982 ! La famine touche même Tiguet de 1976 à 1978. 
  • En 1984 sur les premiers casiers de Tiguet puis en 1993 sur les périmètres de Débi, ce sont les oiseaux granivores qui anéantissent les récoltes. Depuis leurs repaires, les typhaies riveraines du fleuve en pleine explosion (la faute à qui ?) et les bois de tamarix senegalensis du parc national, il faut reconnaître que les mange-mil ont la partie facile... Et la tentation bien encouragée par les Hommes !
  • En 1986, avec l'érection du barrage de Diama, le fleuve qui ne se trouve qu'à 150 mètres des deux villages est à son tour bouleversé: plus de remontée saline en saison sèche, plus de crue après la saison des pluies, voici l'invasion des végétaux favorisée par l'adoucissement des eaux, et l'émergence de maladies jusqu'alors inconnues: bilharziose, paludisme, dysenteries... 
  • En 1989, le conflit racial entre la Mauritanie et le Sénégal rompt les liens traditionnels entre les deux rives du fleuve, notamment entre Débi et son pendant mauritanien, Keur Macène. Les trois colonats agricoles de la cuvette accueillent, comme tant d'autres villages du bas-delta sénégalais, leur lot de réfugiés... définitifs...
  • En 1994, suite à l'invasion aviaire de l'année agricole précédente, les riziculteurs font face à un endettement massif. La banque qui leur accorde des prêts depuis quelques années (CNCAS) fait saisir les biens des agriculteurs. C'est le début de récurrents drames entre les différents organismes - dont la décriée SAED d'aujourd'hui- et les paysans qu'ils poussent à l'endettement pour cultiver leur riz, avant de leur faire rendre gorge quand ceux-ci, anciens éleveurs, pêcheurs et autres cueilleurs ne sont plus... solvables, ou rentables ! Théoriquement, le périmètre est capable de produire 6 tonnes à l'hectare; en réalité, comme souvent dans ce bas-delta qu’obstinément d'obscurs intérêts veulent à tout prix convertir en jardin vietnamien, au seuil du Sahara, la production est aléatoire - et faible: même si les casiers ont deux productions à l'année, les rendements restent le plus souvent bien en deçà des objectifs souhaités, et très loin des scores asiatiques de pays verts, arrosés et de millénaire tradition rizicole... Dans notre bas-delta sahélien, quand un casier fait 3 tonnes à l'hectare, c'est de l'ordre de la prouesse - ou des bonnes grâces climatiques donc divines... Dans la vallée du fleuve Sénégal, on est en réalité le plus souvent entre 1,5 et 2 tonnes à l'hectare, c'est dire la prouesse et le savoir-faire local, auxquels on prétend substituer le mirage mécanique (coûteux et idéologique) et le miracle incontrôlé des intrants qu'on appelle pudiquement phytosanitaires... bref, du poison mal conditionné et mal utilisé par des paysans au mieux illettrés, sans protection aucune ! Ça promet...

* Lire: La polémique qui salit le chasseur de braconniers, in Le Trégor 2015 03 30 

Ci-dessous: 2015 04 10, la carte des villages limitrophes du PNOD et le colonat de Débi 
/ © Photos par Moïse Guiré pour Ornithondar





Ci-dessus: 2015 04 10, les périmètres rizicoles de Débi (à g.) et du Krankaye sud (à d.) sous les sables de l'harmattan... 
/ © Photos par Frédéric Bacuez

Riz et/ou limicoles

De nombreuses études ont été menées sur les interactions entre riz et oiseaux*1. Les populations de barges à queue noire (limosa limosa) et de combattants variés (philomachus pugnax), les limicoles paléarctiques les plus fréquents sur les périmètres céréaliers (cf. photo ci-après) ont été précisément observées dans la durée, d'autant que ces petits échassiers sont, en Europe, un... gibier de choix ! Il ne faudrait pas qu'il leur arrive des misères sur leur aire d'hivernage, tout de même ! Longtemps, sur les périmètres traditionnels, les limicoles n'étaient guère affectés par cette agriculture encore manuelle. Avec l'intensification agraire, et la mécanisation (labours plus profonds éradiquant la micro faune terrestre, plantation plus serrée, récolte avec coupe plus haute que jadis), les limicoles ont beaucoup plus de difficultés pour se nourrir dans les casiers: moins à becqueter, plus de difficultés pour évoluer dans les champs moissonnés - la paille reste trop haute sur pied pour un accès aisé des limicoles... Cependant, on ne sait pas si ce sont les changements du rythme des eaux ou ces modifications agraires qui ont fait chuter les populations des barges et des combattants à partir des années '70 du siècle passé: encore 110 000 barges recensées en 1993 sur l'ensemble deltaïque (Mauritanie et Sénégal) contre quelques milliers de nos jours; quant aux combattants, "les effectifs sont réduits à leur plus simple expression"*2, passant de dizaines de milliers d'individus dans les années '50 à environ 20 000 dans les années '80 du siècle dernier, et à quelque 5 000, peut-être 10 000 individus aujourd'hui. Le regain récent des deux populations hivernantes est peut-être le fait d'une meilleure répartition des eaux fluviales, de part et d'autre de la frontière et notamment dans le bassin du Diawling (Mauritanie), et de l'augmentation des périmètres rizicoles, pas encore tous mécanisés.

" Il semble que la mécanisation de la récolte de riz, 
laissant des chaumes très hauts, 
empêche les limicoles d'exploiter les grains laissés au sol. "
- Patrick Triplet, Maurice Benmergui, Vincent Schricke*2


*1 Lire, par exemple: La barge à queue noire dans le delta du Sénégal, par Bernard Treca, IRD
*2 In Evolution de quelques espèces d'oiseaux d'eau dans le delta du fleuve Sénégal, période 1989-2010, par P. Triplet, M. Benmergui & V. Schricke, OMPO/ONCFS/CNERA, in 'Faune sauvage' n°289, 2010

OISEAUX / 24 espèces cochées
MAMMIFÈRES / 3 espèces cochées
BATRACIENS / 1 espèce

Vu:
  • Cormoran africain (phalacrocorax a. africanuslong-tailed cormorant), quelques ind. sur les casiers rizicoles [colonat de Débi]
  • Aigrette garzette (egretta garzettalittle egret), quelques ind. sur les casiers rizicoles [colonat de Débi]
  • Héron cendré (ardea cinereagrey heron), quelques ind. sur les casiers rizicoles [colonat de Débi] 
  • Pygargue vocifère (haliaeetus vociferafrican fish eagle), 1 ind. au sol dans un casier rizicole, s'envole avec une grenouille occipitale dans les serres (cf. photo ci-dessus) [colonat de Débi] 
  • Busard des roseaux (circus a. aeruginosuswestern marsh harrier), 1 ind. femelle harcelé par un vanneau éperonné [vers Diadiam]
  • Échasse blanche (himantopus h. himantopusblack-winged stilt), quelques ind. sur les casiers rizicoles [colonat de Débi] 
  • Oedicnème du Sénégal (burhinus enegalensisSenegal thick-knee), 1 et 4 ind. au bord d'une tanne en eau [Débi] + ~2 ind. avec un chacal doré [vers Tiguet]
  • Vanneau éperonné (vanellus spinosus, spur-winged lapwing), quelques ind. le long du Lampsar [Mberaye] puis sur les casiers rizicoles [colonat de Débi] + 1 ind. poursuivant un busard des roseaux femelle [vers Diadiam]
  • Bécasseau minute (calidris minutalittle stint), sur les tannes mais aussi dans les casiers rizicoles [colonat de Débi]
  • Combattant varié (philomachus pugnaxruff), dans les casiers rizicoles [colonat de Débi, en particulier vers la station de pompage au nord de la cuvette]
  • Chevalier guignette (actitis hypoleucoscommon sandpiper), 1 ind. [Débi]
  • Jacana à poitrine dorée (actophilornis africanaafrican jacana), quelques ind. sur les casiers rizicoles [colonat de Débi] 
  • Sterne hansel (gelochelidon n. nilotica, gull-billed tern), 1 ind. solitaire au repos au milieu d'une tanne saumâtre [vers Diadiam]
  • Glaréole à collier (glareola pratincola ssp., collared pratincole), 7 ind. en tout
  • Tourterelle pleureuse (streptopelia decipiens ssp. shelleyiafrican mourning dove)
  • Tourterelle masquée (oena c. capensisNamaqua dove)
  • Cochevis huppé (galerida cristata ssp. senegallensiscrested lark)
  • Hirondelle de rivage (riparia ripariacommon sand martin), nombreux groupes d'ind. perchés sur les fils et poteaux électriques (Voir ICI sur Ornithondar), exclusivement sur la partie ouest de la grande digue du fleuve, en particulier en face du parc national mauritanien du Diawling (vent dans le dos)
  • Hirondelle rustique (hirundo rustica, barn swallow), quelques ind. en très petits groupes, en migration prénuptiale
  • Guêpier nain (merops p. pusilluslittle bee-eater)
  • Bergeronnette printanière (motacilla flavayellow wagtail), 1 ind. [vers Débi]
  • Martinet noir (apus a. apus, common swift), ~10 ind. en migration S>N à 14h40 [entre Tiguet et Débi] (Voir aussi ICI sur Ornithondar)
  • Moineau doré (passer luteusSudan golden sparrow)
  • Travailleur à bec rouge (quelea q. queleared-billed quelea)

Ci-dessous, de g. à d.: 2015 04 10 dans la cuvette rizicole de Débi...
Combattant varié dans un casier rizicole - Oedicnème du Sénégal au bord d'une tanne en eau
/ © Photos par Frédéric Bacuez



AUTRES:
  • Chacal doré (chacal svelte du Sénégal, canis aureusgolden jackal), 1 ind. levé [derrière un buisson de tamarix senegalensis] + 1 ind. avec des oedicnèmes et quelque chose dans la gueule (os ou poisson desséché ?) [au sud de Tiguet, cf. photo en bas de notule]
  • Phacochère commun (phacochoerus africanuscommon warthog), 3 ind. [vers Diadiam] + 2 et 2 ind. en lisière de typhaie sèche, avec des bovins [au sud de Tiguet]
  • Patas 'singe rouge' (erythrocebus pataspatas monkey), 2 ind. dans un arbre [digue du fleuve]
  • Grenouille occipitale (hoplobatrachus - ex dicroglossus- occipitalisafrican tiger frog), 1 ind. dans les serres d'un pygargue vocifère (cf. photo ci-dessus)

2015 04 10 17h, remise de canards afrotropicaux (dendrocygnes sp., oies-armées et canards à bosse) sur la mare de Ross-Béthio
/ © Photo par Frédéric Bacuez

* Vallée des Lampsar et Djeuss. Mare de Ross-Béthio -

MATIN & fin d'APREM'-
En véhicule 4x4.
Avec Alix & Daniel Mignot, et Moïse Guiré.
Temps: bourrasques de sable à partir de 15h30, en particulier sur la dépression de Krankaye et la mare de Ross-Béthio


De Bango au Djoudj et de Ross-Béthio à Diama, le bas-delta est en pleine métamorphose. Les chantiers (français) reconfigurent l'ensemble du réseau hydraulique dans la seule perspective de satisfaire l'expansion ou la réhabilitation rizicoles. Visiblement, les préoccupations écologiques et les études d'impact environnemental ont été oubliées à... Paris. Dans ce registre, évidemment anecdotique - le but, c'est le "développement" !-, c'est un désastre: terres retournées, petits marais renversés. Les plus grandes dépressions sont à l'évidence épargnées pour finir en cuvettes de rétention des eaux usées, bref à devenir des cloaques à pesticides. Au grand dam des naturalistes que nous sommes, le marais de Ndigué en voit de toutes les atteintes à son intégrité - Ornithondar ne donne pas cher de son avenir... Et tant pis pour ses rhynchées peintes (rostratula benghalensis) ! Plus à l'est, la grande mare proche de Ross-Béthio - en réalité trois marécages aux pourtours boisés- est désormais cernée de toutes parts par les périmètres irrigués, depuis qu'au nord et à l'ouest une gigantesque exploitation très française donne dans le riz intensif, avec force mécaniques, et qu'au sud, les emblavements avec le canal du Krankaye continuent leur cheminement progressiste (on y croit, on y croit) vers l'avenir radieux.

Le seul site de biodiversité sans protection institutionnelle

Hors les enclaves classées ou protégées (Djoudj, Ndiaël, Tocc-Tocc, Trois-Marigots, Gueumbeul), la grande mare de Ross-Béthio était, et reste la plus vaste cuvette aquatique digne d'intérêt ornithologique sans aucune protection légale. Elle est pourtant pour les canards un site capital, à mi-chemin entre le Grand Lac du parc national du Djoudj (PNOD) et les gagnages nocturnes des Trois-Marigots. C'est d'abord un refuge pour de très nombreux palmipèdes afrotropicaux, singulièrement en saison sèche lorsque la plupart des zones humides disparaissent ou se transforment en tannes saumâtres. Ce soir, il y a des centaines de dendrocygnes veufs (dendrocygna viduata) au milieu desquels se sont glissés des dendrocygnes fauves (dendrocygna bicolor), quelques dizaines de canards à bosse (sarkidiornis melanotos), et des oies-armées de Gambie (plectropterus gambensis). Les pélicans, des deux espèces (pelecanus onocrotalus et rufescens), et les cormorans, des trois espèces (anhinga rufa, phalacrocorax africanus et lucidus) ne sont pas en reste, utilisant les buissons de tamarix senegalensis immergés comme reposoirs sécurisés, avec les ardéidés résidents . 

En hiver, un dortoir bien connu de spatules blanches 

Depuis les années '50 du siècle passé, la grande mare de Ross-Béthio a toujours servi de dortoir à nombre d'échassiers (grandes aigrettes, hérons cendrés, tantales ibis, ibis sacrés). Avec la disparition des héronnières sur les berges du fleuve Sénégal, suite aux grandes sécheresses et à l'impitoyable destruction des gonakeraies par les bûcherons-charbonniers, la mare et ses boisements prenaient d'autant plus de valeur pour les grands oiseaux ayant pour habitude de se reposer et/ou passer la nuit dans les arbres. La mise au sec de la vaste dépression du Ndiaël, lors d'un précédent "développement" de la vallée du fleuve, renforça encore l'importance d'un site devenu vital. A leur tour, les spatules blanches d'Europe (platalea leucorodia)*, dont les effectifs hivernant dans le bas-delta augmentaient consécutivement à leur rigoureuse protection dans les pays d'origine (notamment aux Pays-Bas), choisirent 'Ross-Béthio' pour villégiature saisonnière. Des 3 000 spatules hivernantes dans notre région, très mobiles dans le bas-delta, plusieurs centaines prennent ainsi leurs heures de repos sur cette grande mare, avant de retourner quotidiennement vers le Djoudj, les lagons saint-louisiens et les rives du fleuve pour de longues heures de balayage dans la vase...

* Lire sur Ornithondar: Les spatules lancent les prémices de la migration prénuptiale, 2013 02 11

Ci-dessous: 2015 04 10, le reposoir de la mare de Ross-Béthio dans les bourrasques d'harmattan... 
Pélicans blancs et gris, cormorans et anhingas, ardéidés et canards afrotropicaux / © Photos par Frédéric Bacuez


OISEAUX / 36 espèces cochées
MAMMIFÈRES / 3 espèces cochées

Vu:
  • Pélican blanc (pelecanus onocrotalusgreat white pelican), 6 ind. en vol [vers Mboubeune]
  • Pélican gris (pelecanus rufescenspink-backed pelican)
  • Cormoran africain (phalacrocorax a. africanuslong-tailed cormorant)
  • Grand cormoran à poitrine blanche (phalacrocorax carbo lucidus, white-breasted cormorant)
  • Anhinga (roux) d'Afrique (anhinga rufaafrican darter), 2 ind. perchés sur un tamarix immergé [mare de Ross-Béthio]
  • Dendrocygne veuf (dendrocygna viduatawhite-faced whistling duck)
  • Dendrocygne fauve (dendrocygna bicolor, fulvous whistling duck)
  • Ouette d'Egypte (alopochen aegyptiaca, egyptian goose), 6 ind. en vol gagnant le reposoir de la mare de Ross-Béthio
  • Canard (casqué) à bosse (sarkidiornis m. melanotos, knob-billed duck)
  • Oie-armée de Gambie (plectropterus g. gambensis, spur-winged goose)
  • Crabier chevelu (ardeola ralloides, squacco heron)
  • Héron cendré (ardea cinereagrey heron
  • Héron pourpré (ardea purpurea ssp. purpurea, purple heron), 1 ind. [typhaies du Lampsar]
  • Grande aigrette (egretta alba ssp. melanorhynchosgreat egret)
  • Aigrette garzette (egretta garzettalittle egret)
  • Héron garde-boeuf (bubulcus i. ibiscattle egret)
  • Ibis falcinelle (plegadis falcinellusglossy ibis), 1+ ind. [herbiers du Lampsar de Bango] + 1 ind. [vers Ndigué]
  • Ibis sacré (threskiornis aethiopicussacred ibis), 1 ind. sur tamarix immergé, avec cormorans et ardéidés au repos [mare de Ross-Béthio]
  • Milan parasite (milvus parasitus, yellow-billed kite), 1 ind. [camp des pêcheurs saisonniers, Bango] + 2 ind. [typhaies du Lampsar] + 8 ind. [Sanar]
  • Échasse blanche (himantopus himantopusblack-winged stilt), tentatives de nidification (?) par ind. locaux sur îlots de boues séchées dans des 'carrières' inondées [Djeuss près de Mberaye] + 2 petites troupes dans les rizières [au sud du Krankaye]
  • Glaréole à collier (glareola pratincola ssp., collared pratincole), ind. ici et là
  • Vanneau éperonné (vanellus spinosus, spur-winged lapwing)
  • Bécasseau minute (calidris minutalittle stint), petites bandes lâches ici et là + troupe de 11 ind. [vers Mberaye], en mue prénuptiale pour la plupart
  • Chevalier aboyeur (tringa nebulariacommon greenshank), encore quelques ind. stationnés ici et là
  • Jacana à poitrine dorée (actophilornis africanus, african jacana)
  • Talève sultane (porphyrio porphyrio ssp. madagascariensis, african swamphen)
  • Coliou huppé (à nuque bleue, urocolius m. macrourusblue-naped mousebird), 4 ind. [vers Mboubeune] + 2 ind. [vers Ndigué] + 6 ind. en vol [N2]
  • Coucal du Sénégal (centropus senegalensis, Senegal coucal), 1 ind. [Mboubeune]
  • Alcyon pie (ceryle r. rudispied kingfisher), au moins 3 ind.
  • Rollier d'Abyssinie (coracias abyssinicusabyssinian roller), 1 seul ind.
  • Hirondelle rustique (hirundo rusticabarn swallow), nombreuses exclusivement après 16h30, en vols S>N  [Krankaye]
  • Calao à bec rouge (tockus kempiwestern red-billed hornbill), au moins 1 ind.
  • Cochevis huppé (galerida cristata ssp. senegallensiscrested lark)
  • Traquet pâtre d'Afrique (saxicola torquatus ssp. moptanus, african stonechat), 1 ind. dans les roseaux [marais du Lampsar]
  • Pie-grièche à tête rousse (lanius senatorwoodchat shrike), 1 ind. [marais du Lampsar]
  • Moineau doré (passer luteusSudan golden sparrow)
  • Tisserin à tête noire (ploceus melanocephalus ssp. capitalisblack-headed weaver)

Ci-dessous: dans la vallée du Djeuss-sud... 
A g., échasses blanches résidentes: prémices de nidification ? - A d., bécasseaux minutes hivernants en mue prénuptiale
 / © Photos par Frédéric Bacuez


AUTRES:
  • Chacal doré (chacal svelte du Sénégal, canis aureusgolden jackal), 1 ind. plutôt jeune s'éloignant sur les tannes [vers Maraye]
  • Phacochère commun (phacochoerus africanuscommon warthog), 5 ind. (un adulte, un subadulte, un immature et deux juvéniles) avec un patas solitaire [digue près de Dios peuhl 2]
  • Patas 'singe rouge' (erythrocebus pataspatas monkey), 1 ind. solitaire avec cinq phacochères [vers Dios peuhl 2] + troupe d'~25 ind. [piste Djoudj/Ross-Béthio] +  6+ ind. [N2  Ross-Béthio/Saint-Louis]

Ci-dessous: 2015 04 10 16h15, oedicnème du Sénégal et chacal doré, cuvette de Tiguet / © Photo par Frédéric Bacuez

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